Enfin de retour ...

L'immense et splendide hall d'entrée semblait vide. Les Sabliers, dans le coin, n'avaient pas encore reçu énormément de pierres, en ce tout début d'année. L'air était frais, entrant en une brise légère par la Grande porte ouverte sur le parc, qui laissait passer les doux rayons de soleil de la fin de l'été. L'endroit était silencieux, seulement perturbé par la rumeur des élèves qui profitaient des températures encore clémentes dans le parc, après cette journée de cours. Quelques fois, une porte s'ouvrait et laissait passer un élève ou un professeur. Mais dans l'ensemble, rien ne dérangeait la jeune femme assise au pied de l'escalier, adossée à la rampe, qui avait fermé les yeux, paresseusement.

Ses longs cheveux étaient lâchés, cascadant le long de son visage mince et sur ses épaules. Leur couleur or tranchait avec le noir de l'uniforme noir de l'école Poudlard où était cousu l'écusson de sa maison, Serdaigle. Pour un sorcier qui ne la connait pas, rien d'anormal. Mais quand on sait que cette élève porte le nom de Black, la présence de cet écusson semble bel et bien bizarre. Comment un membre de cette éminente famille de sorciers au sang dit "pur", adepte de la magie noire, avait-il échappé à Serpentard? Andromeda Black, puisque tel était le nom de la jeune sorcière, était l'une des premières, avec son cousin Sirius, à entrer dans une autre maison que Serpentard à Poudlard. Cela lui valait bien peu de considération au sein de sa famille, voire pas du tout. Presque niée, Andromeda considérait à présent Poudlard comme sa vraie maison et ses amis, sa vraie famille. Elle était une Black... et alors? Pour elle, ce nom ne signifiait pas grand chose sinon la haine et le mépris.

Depuis 5ans maintenant, les vacances d'été étaient un vrai calvaire pour la jeune femme. Elle passait le plus clair de son temps dans sa chambre ou à l'extérieur du somptueux manoir où habitaient Cygnus et Druella Black, ses parents, les évitant soigneusement. Mais c'étant sans compter sans les deux soeurs de Andromeda, Narcissa et Bellatrix, qui pouvaient la maltraiter en toute impunité, pour sa "traîtrise". Les seules moments d'"activité" pour la jeune femme étaient les disputes familiales et les rares moments qu'elle pouvait passer avec Sirius. Aussi voyait-elle avec impatience venir le moment de la rentrée. Elle rentrait enfin chez elle. Et puis, elle pouvait ainsi revoir celui qui la faisait rêver de temps en temps, Ted Tonks. Cette attirance était soigneusement cachée. Elle n'avait pas besoin de créer une polémique de plus au sein de sa famille, qui lui vaudrait sûrement de gagner la porte.

Un bruit de porte claquée sortit brusquement Andromeda de sa torpeur et de ses pensées. Elle se releva légèrement et serra sa baguette magique dans sa poche, observant le hall redevenu silencieux autour d'elle.

[Bon, puisque personne ne se lance, j'me permets de répondre]

Les cours étaient terminés depuis un petit moment déjà quand James referma la porte derrière lui. Il s'était efforcé de la refermer aussi doucement que possible mais c'était sans compter le sombre abruti qui avait laissé traîné son crapaud pas loin d'ici. Le « croa » guttural le fit sursauter et sans qu'il puisse empêcher le drame, il avait laissé s'échapper la diabolique porte qui s'était refermée dans un claquement sonore. Et mer... credi. De quelle porte s'agissait-il donc pour que le pauvre maraudeur agisse avec tant de prudence et de manière aussi suspecte ? Ben de la porte du bureau du concierge, évidemment.

Il avait consciemment choisi cette heure précise pour entrer par effraction dans le bureau de leur vieux concierge rabat-joie. A cette heure-là, les élèves venaient ou étaient déjà sortis de cours. Et le vieil homme, paranoïaque comme il était, se sentait évidemment dans l'obligation d'aller patrouiller (fouiner) un peu partout histoire de ne pas laisser sans surveillance tous ces jeunes dépravés qui ne cherchaient qu'à mettre le désordre partout où ils passaient. C'était donc le moment idéal pour James de récupérer ce qu'il venait à peine de se faire confisquer le matin même. Si l'un de ses amis l'apprenaient, il ne manquerait pas de se faire étriper sur place, dépecé et brûlé à petit feu. Voilà pourquoi, il était seul et n'avait que lui-même et malheureusement personne d'autre pour monter la garde. Mais tout s'était relativement bien passé, il était entré et sorti sans qu'on le remarque, comme un fantôme. Le pire qui aurait pu arriver : le concierge qui revenait dans son bureau en tirant un élève quelconque par l'oreille. James, surpris en plein acte de vol en aurait sans doute pris pour tout le mois entier. Son dossier n'était déjà pas joli à voir, il aurait préféré en éviter plus, surtout si tôt dans l'année. Ses pauvres géniteurs ne l'auraient pas supportés... il aurait peut-être fini déshérité, sans toit. Il aurait dormi sous les points, serait mort de faim, et mourrait pathétiquement dans les égouts. Oui, l'adolescent avait sans aucun doute le chic pour laisser son imagination vagabonder et envisager des cas plus qu'improbables. Mais c'était ce genre de motivations (ou plutôt de menaces) qui l'empêchaient encore de se laisser faire prendre.

Ce qu'il s'était fait confisquer ? La carte des maraudeurs de toute évidence. Et c'était d'ailleurs une rare injustice. Il avait sans le vouloir eu le malheur de simplement croiser le concierge, et sous prétexte qu'il s'appelait James Potter avait eu droit à une fouille complète de ses poches et s'était même fait confisquer ses deux chocogrenouilles fondus qui traînaient encore dans sa poche. Ce n'était que justice qu'il vienne réclamer son bien !

A peine sorti du bureau du concierge, qu'il entendit quelqu'un s'agiter non loin de lui. Il ne parvint pas à s'empêcher de sursauter et lâcha un son étrangement inhumain de sa gorge. Reconnaissant la cousine de Sirius, James parvint enfin à se calmer, soulagé de ne pas être tombé sur un professeur, un préfet ou pire un élève de Serpentard.

Raclement de gorge dans une vague tentative de récupérer sa dignité.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-il presque naturellement, en forçant l'impression qu'il n'avait absolument rien fait de mal. Et c'était le cas, évidemment. Il s'était juste contenté de récupérer quelques unes de ses affaires, rien de criminel. (Cela dit, personne n'a dit qu'il n'avait rien laissé dedans en retour.)

[Sirius réfléchissait à comment répondre, mais bon, pas grave =p]

Lunettes rondes, cheveux bruns ébouriffés, un visage aux traits angéliques, comme s'il ne faisait jamais rien de mal... Andromeda avait face à elle James Potter. Le gamin de 15ans laissa échapper un son étrange et aigu, comme un goret qu'on égorge, en la voyant. La pression sur la baguette magique se relâcha et un rire étouffé sortit de la bouche d'Andromeda. Le meilleur ami de son cousin avait parfois des réactions... étranges. Mais au fond, Sirius l'était tout autant. Ces deux-là faisaient vraiment la paire. Une expression de soulagement se dessina sur les traits de James et ton son corps sembla se détendre. Il se racla la gorge puis lui demanda ce qu'elle faisait là, comme si sa présence à lui, en ce moment et ici, était tout à fait normale. Le connaissant un peu pour avoir souvent écouté Sirius lui en parler, Andromeda savait qu'il n'était pas du genre à être innocemment en train de se balader dans un endroit désert après les cours. Et puis, la réputation de Potter n'était plus à faire. La seule semaine où le château fut tranquille depuis son arrivée était sans nul doute la première semaine. Le temps de découvrir le château et de se trouver un ami, et la tornade s'était mise en route. Sirius et lui étaient presque aussi épuisants que Peeves pour le pauvre Rusard... Enfin, pauvre... Personne n'avait vraiment pitié de lui, parmi les élèves.

" Rien de spécial..."

Réponse débile quand même, mais c'était vraiment ce qu'elle faisait. Rien. Avant l'arrivée intempestive du Gryffondor, elle était à la limite de s'endormir. Bon ok, ça fait clocharde de dormir sur un escalier, mais bon. Retrouver le hall, avec son plafond aussi haut qu'un immeuble de 3 étages, les gigantesques sabliers et tout, ça la faisait rêver Andro. Et puis, il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. C'était parfait. Même si l'escalier n'était pas si confortable que ça en fait. Une douleur commençait à irradier le dos de la jeune femme, à partir de sa chute de reins. Prenant conscience de celle-ci, la Serdaigle se leva, sa colonne vertébrale craquant allègrement. Elle s'appuya contre la rampe et observa James. A son air, il avait certainement violé le règlement. Et comme il venait du bureau du concierge et que celui-ci faisait ses rondes dans les étages supérieurs, il avait certainement du lui laisser un petit quelque chose. Tout le monde savait que James était trop généreux pour ne pas faire profiter les autres de ses conneries.

"Alors, tu lui as laissé quoi cette fois-ci? Il a piqué une fameuse crise avec vos derniers Pétards Mouillés. On a cru qu'il allait faire une attaque!" dit-elle avec un sourire

Andromeda ne se souvenait que trop bien de ce jour-là. Elle rentrait de son cours de Soins aux Créatures Magiques lorsqu'elle et sa classe avaient vu Rusard sortir de son bureau en hurlant, suivis d'étincelles qui ne laissaient aucun doute quant à leur provenance. Il était rouge, les yeux exorbités, ses vêtements sales et les cheveux emmêlés, comme un chercheur fou. Il avait maudit les élèves avec une ferveur proche de la démence et avait vociféré de terribles menaces pour celui qui avait osé faire ça. Les élèves s'étaient tous bien vite rendus dans la Grande Salle pour déjeuner et échapper au concierge fou. D'après ce qu'Andromeda avait compris, dans les conversations des élèves, il avait découvert un cadeau sur son bureau, et sans plus de méfiance, l'avait ouvert et les pétards avaient explosé. Sans doute l'une des plus grandes frayeurs de Rusard!

[Oui, je sais, j'aurais pris mon temps...]

Andromeda avait la tête de quelqu'un qui venait de manquer de s'assoupir sur l'escalier. Comment le savait-il ? Ben, il avait la même tête en cours alors bon... Curieux endroit pour traîner cela dit. D'où l'absence de gens, sans doute. Il faut dire que les élèves avaient rarement idée de se planter sur le grand escalier avec l'intention de s'y assoir indéfiniment.

- Je vois, je vois, fit-il d'un air plein de connaissance.

Enfin, il ne voyait vraiment pas, nan. C'était juste une façon de parler, pas comme s'il aurait pu ajouter quoi que ce soit d'autre à vrai dire. Et puis tant qu'à faire, il préférait éviter de parler de sa présence non désirée au sein du bureau du concierge, quelques minutes plus tôt.

Peine perdue quand Andromeda s'interrogea sur ce qu'il avait bien pu laisser dans le bureau du concierge. Elle était clairvoyante ou quoi ? C'était pas comme si c'était écrit en plein sur sa face non plus. ...A vrai dire, si. Et puis, il fallait pas être devin. Quand Potter était dans les parages, jamais rien n'arrivait de bon, c'était bien connu. Sa simple présence suscitait méfiance et exaspération de la part du corps professoral. Ouais, il était aussi fort que ça et n'avait même plus besoin de faire quoi que ce soit pour les agacer. Cinq dures et longues années de labeur...

- De quoi, « cette fois-ci » ? Mais peut-être bien que j'ai rien fait, hein ? C'est honteux de m'accuser comme ça, sorti de nulle part ! Je demande des preuves, est-ce que tu as des preuves ? Nan, hein ? Eh bah voilà. Et d'ailleurs, je dirais que contrairement à moi, traîner sans motif sur le grand escalier, c'est vachement plus louche ! La meilleure défense, c'est l'attaque comme on dit...

Oui, n'est-ce pas ? Entre James et Andromeda, qui avait l'air le plus suspect ? Encore une fois, on n'avait pas idée de rester là, alors qui sait si elle ne préparait pas un mauvais coup ! Elle avait tout à fait la tête à l'emploi en plus. (Enfin, il se cherchait juste des excuses là...) Et puis là, tout de suite à l'accuser, lui la perle d'innocence qu'il était, il en revenait pas.

- De tous les élèves de Poudlard, j'aurais cru que toi tu n'aurais pas de préjugés ! Fit-il d'un ton sur-dramatique.

Et au moment précis où il acheva sa tirade, un paquet de nourriture pour animaux tomba de sa poche. Juste pour précision, James n'avait pas d'animaux. Ou du moins juste un vieux hibou râleur qu'il détestait mais que ses parents lui avaient refourgué sous prétexte qu'il passait de génération en génération. N'empêche que c'était flippant. Ca voulait dire quoi « de génération en génération » ? Qu'il était là depuis des décennies ? Des siècles ? Combien de temps ça vivait un hibou d'ailleurs ? Il allait finir par crever ou quoi ? Et malgré tout, son hibou était plein de vie, tous les matins il se faisait becqueter par la sale bestiole.
Toujours est-il que James n'avait pas d'autre animaux. Et ça se savait parce que sinon, il aurait sans doute choisi une bestiole totalement pas autorisé qui aurait contribué à la destruction entière de Poudlard. Mais bon, dans le genre bestioles danger public, leur garde-chasse faisait déjà fort alors il avait décidé de ne pas y mettre du sien.

Se penchant pour ramasser la preuve de son méfait, il afficha le sourire le plus angélique possible. Enfin, ça avait un côté vachement démoniaque quand même, et il ne se rendait généralement pas compte que c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase et lui avait valu de nombreuses colles.

Après s'être remémoré un souvenir aussi allègrement plaisant que celui de Rusard écumant de rage et proche de l'attaque, toute trace de somnolence avait évacué le visage fin et pâle d'Andromeda. Oui elle était pâle. En même temps, on ne peut pas s'attendre à voir un bronzage resplendissant après les vacances d'étés sur son visage. Ca paraît bizarre? Ben pas tellement, en fait... dès qu'on sait qu'Andromeda passe ses vacances cloîtrée dans sa chambre, par tempête comme par grand soleil. Mais à la différence de sa famille, qui semblait cultiver la culte de la pâleur et de la "gueule à faire peur", la jeune femme ne faisait ça que pour éviter d'être en leur présence, sa chambre étant le dernier refuge où il lui était impossible de s'ennuyer. Parce qu'à part côtoyer leur vieil elfe de maison qui s'occupait du potager, le jardin n'avait rien de très attrayant... Il faut dire que les seuls moments où elle mettait les pieds dehors, c'étaient lorsque ses parents la forçaient à les accompagner, ou que, par un miracle inattendu, elle se retrouvait avec un membre de sa famille qu'elle préférait aux autres.

Bref, après ces quelques instants consacrés à la pâleur d'Andromeda, revenons à Potter. A l'évocation de l'éventuel cadeau laissé au concierge, il s'était légèrement raidi, comme s'il était offensé par la Serdaigle. Il tenta vainement d'avoir l'air innocent... Une expression bizarre... Qui lui donnait une tête bizarre. Sous l'innocence était mal cachée une espèce d'expression diabolique, démoniaque, qui, si elle faisait peur à Victoria ou Xeno, n'effrayait pas le moins du monde tout élève doté d'un esprit sain. Et puis il y avait toujours une lueur malicieuse derrière les lunettes rondes du Gryffondor qui rendait vains ses maigres efforts pour paraître innocent.

"De quoi, « cette fois-ci » ? Mais peut-être bien que j'ai rien fait, hein ? C'est honteux de m'accuser comme ça, sorti de nulle part ! Je demande des preuves, est-ce que tu as des preuves ? Nan, hein ? Eh bah voilà. Et d'ailleurs, je dirais que contrairement à moi, traîner sans motif sur le grand escalier, c'est vachement plus louche !"

James n'avait apparemment pas d'autre argument... comment dire... valable. Comme il le pensait si bien, la meilleure défense, c'est l'attaque... sauf quand on a un nombre incalculable d'heures de colle derrière soir. Alors là, une attaque de ce style là ne sert strictement à rien. Sorti de nulle part? Nulle part, venant de Potter, c'était déjà louche, alors imaginez si vous le surprenez sortir du bureau de Rusard, c'est... dix fois plus louche. La fin de sa tirade arracha un éclat de rire à Andromeda. Alors ça, c'était bien la dernière chose à laquelle elle s'attendait! L'attaquer sur sa présence sur l'escalier! Secouée d'un rire encore léger, elle observait Potter, ses épaules tremblant à cause des soubresauts de sa poitrine. Mais James n'en resta pas là:

"De tous les élèves de Poudlard, j'aurais cru que toi tu n'aurais pas de préjugés !"

Le ton dramatique qu'il employa et la nourriture pour animaux qui tomba de sa poche achevèrent Andromeda qui se tint les côtes de rire, se pliant en deux, ses abdos et ses joues lui faisant mal. Il était de notoriété publique que si les Maraudeurs avaient des animaux, ce ne seraient pas d'innocents chats, crapauds ou hiboux. Plutôt des chimères, ou des niffleurs qui se jetteraient sur tous les élèves portant des objets brillants. Sur ce sujet, ces quatre-là devaient bien s'entendre avec Hagrid, le garde-chasse. Or la nourriture qui s'était échappée de la poche du Gryffondor semblait plutôt convenir...à un crapaud-buffle. Et rien de plus suspect qu'un crapaud-buffle entre les mains de James Potter (Enfin, entre les mains au figuré hein!), le samedi suivant le prouverait à Andromeda.
L'air dramatique que s'était donné le jeune homme quelques instants plus tôt fut remplacé en un éclair par la stupeur puis un air angélique qui ne servait à rien. Ce tel contraste n'allait certainement pas calmer Andro, qui avait à présent les larmes aux yeux.